Dans la tête d’Emma Bovary
Un récit intime
En 2021, pour l’anniversaire des 200 ans de Gustave Flaubert, le Département de la Seine Maritime a fait le choix de l’innovation émotionnelle en confiant à Musair la conception de la médiation sonore de l’exposition Madame rêve en Bovary. Pas après pas, au rythme de la scénographie de Jean Oddes, Musair plonge le visiteur dans la psychée d’Emma, dont l’esprit flotte dans chaque pièce de la Maison Marrou de Rouen. Cette Emma qui se raconte à la première personne est une Emma contemporaine, qui partage avec le visiteur ce que fut sa vie au détour de ses souvenirs et d’objets minutieusement choisis dans les collections du Château de Martainville. L’innovation, liée à l’écriture de Musair, se situe dans le point de vue résolument actuel. Le visiteur se sent proche de cette jeune femme qui aurait pu perdre la vie en 2021 : l’arsenic du Pharmacien Homais devient poudre blanche, les déboires financiers d’Emma avec Lheureux deviennent la spirale du surendettement, sa spiritualité mystique devient pleine conscience. Mais le désir et le sentiment amoureux traversent les siècles…
Une expérience immersive
Le parcours mêle voix et musiques et fait la part belle au texte de Flaubert, mis en majesté au cœur de ce récit contemporain. Cette expérience sonore est accessible sur smartphone, sans téléchargement, y compris à distance. Sur place, les visiteurs reçoivent des écouteurs qui les immergent davantage encore dans les confidences feutrées d’Emma et le décor immersif de Jean Oddes. Une conversation à poursuivre à l’Opéra ou dans le jardin de Martainville, où Musair a également guidé les pas des regardeurs.
Découvrir l’une des capsules
Le bouquet de mariée
Les robes d'Emma
Le témoignage d’Yvan Leclercq
Président du Comité scientifique 200 ans de Flaubert
Témoignage d’Yvan Leclercq
Une performance d’écriture, à la fois savante et savoureuse
Pour accompagner le visiteur dans sa découverte de l’exposition « Madame rêve en Bovary », présentée à la Maison Marrou de Rouen, Valentine Rondelez a écrit un texte fragmenté en autant de séquences qu’il y a de pièces dans cette maison, où l’on progresse dans l’histoire du roman. La visite en immersion se double ainsi d’une complicité sonore avec l’intériorité d’Emma puisque le texte est réécrit à la première personne : Emma dit « je » en s’adressant à nous. Elle se raconte post mortem, tirant le bilan d’une catastrophe, au terme d’une vie scandaleuse, intensément vécue.
Une fiction révolutionnaire
L’esprit du roman est là, dans ces mots simples et profonds, tour à tour pathétiques, révoltés, ironiques, dans toute la force désirante d’un personnage hors norme et dans la provocation d’une fiction révolutionnaire. Quant à la lettre du texte, Valentine Rondelez la reformule dans une prose directe, moderne, jouant de l’anachronisme dans le ton, les mots et les situations, sur fond de chansons contemporaines. Ces perturbations de temporalité ont pour effet de dégager le caractère universel du roman : Madame Bovary, c’est nous, et aujourd’hui.
Un classique réécrit pour les publics d’aujourd’hui
Le texte vivant et fluide permet l’insertion naturelle des citations du roman, lues par une autre voix, et d’explications relatives à la vie du XIXe siècle, liées le plus souvent à la Normandie. Une telle performance d’écriture, à la fois savante et savoureuse, révèle une grande connaissance du roman de Flaubert, une vraie familiarité avec ses thèmes et une grande souplesse pour adapter un classique à destination de tous les publics d’aujourd’hui.
Président du comité scientifique et culturel « Flaubert 21 »
Professeur, Université de Rouen